Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/260

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avec nous jusqu’à temps que votre père se rétablisse, si c’est la volonté du bon Dieu.

claudie.

Vous êtes un âme grandement bonne, mère Fauveau, et si je veux m’en aller, ne le prenez point comme une méconnaissance de vos amitiés. Vous m’en faites tant, que je voudrais pouvoir mourir à votre service : mais, aussi vrai que j’aime le bon Dieu et vous, je ne veux point rester davantage.

Elle va à la cheminée, embrasse son père, prend un autre fer et revient à la table.

la mère fauveau.

Claudie, je ne vous demande point vos raisons. Peut-être que j’en ai une doutance, je ne vous en estime que mieux : peut-être que, dans peu de temps, je vous dirai que vous faites bien de partir ; mais votre père n’est pas encore en état, et vous ne pouvez point l’emmener avant de vous être pourvue d’ouvrage pour le soutenir.

claudie.

Mon père est faible, mais il ne paraît point souffrir ; et comme je sais qu’il aime beaucoup son endroit, j’ai dans mon idée qu’il a de l’ennui d’en être absent. Je suis quasiment assurée de trouver de l’ouvrage chez nous : on m’emploie aux lessives, on me donne des blouses à faire, je travaille aussi à la terre, qui est plus légère là bas que par ici. J’aurai plus de peine qu’avant puisque mon père ne peut plus s’occuper. Mais qu’est-ce que ça me fait d’user ma santé ? Je durerais toujours bien autant que ce pauvre homme-là, qui n’en a pas pour longtemps, et qui depuis deux mois qu’il est malade chez vous, n’a pas l’air de pouvoir reprendre ses forces.

Elle va serrer le linge qu’elle a sur la table dans le bas de buffet qui est au-dessous de la croisée.

la mère fauveau, se levant.

Moi, je le trouve mieux depuis deux ou trois jours, et ce matin il m’a parlé plus longtemps et plus raisonnablement qu’il n’avait fait depuis son accident.