Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/269

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denis, à part.

Je suis pris !

rose.

Tenez, Denis, vous avez une lourdeur sur la conscience. Si j’étais chagrinante, j’aurais pu vous tourmenter avec ça devant le monde ; mais j’ai voulu attendre de vous en parler seul à seul, et puisque nous y voilà, convenez que vous avez fait du tort à quelqu’un ?

denis.

Pourquoi diantre croyez-vous ça ? Si vous voulez croire tout ce qu’on dit !

rose.

On ne m’a rien dit, je n’ai rien demandé, et d’ailleurs l’homme que j’aurais questionné ne serait plus en état de me répondre. Mais j’ai entendu, le jour de la dernière gerbaude, des paroles que vous seriez bien en peine de m’expliquer.

denis.

Ce vieux qui battait la campagne ?

rose.

Ce vieux parlait bien raisonnablement. Vous avez dit que vous ne le connaissiez point, encore qu’il fût de votre endroit. Votre pays n’est pas si gros que vous n’y connaissiez tout le monde. Vous n’êtes pas revenu ici, c’est sans doute par crainte d’y rencontrer des gens qui peuvent vous faire rougir ; et quant à moi, ne me souciant pas d’être la femme de quelqu’un à qui l’on peut dire : « Vous m’avez pris plus que la vie, vous m’avez pris l’honneur ! » Ah ! le vieux a dit comme ça ! Je vous ai battu froid, et quand je vous ai rencontré depuis, à la ville, je vous ai prié de ne me plus faire ni cadeaux ni invitation.

denis, se levant.

Si je vous ai offensée, Rose, pardonnez-moi. Différemment, quand on est amoureux on est jaloux, on a du dépit. On ne sait point ce qu’on dit ! Quant à ce vieux et à sa fille…