Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/288

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fauveau.

Tenté ? non ! j’ai bien vu qu’il blêmissait et qu’il tombait comme en faiblesse ; mais ça s’est passé tout de suite.

la mère fauveau.

Vous avez cru qu’il tombait en faiblesse, là, tout justement sous la roue de la voiture à bœufs ?

fauveau.

Ma fine, quand on est pris de pâmoison, on ne sait point où l’on tombe.

la mère fauveau.

Pas moins, une minute de plus, et la roue lui passait sur la tête. Sans le bouvier, le bon Thomas, que Dieu bénisse ! Qui s’est trouvé là tout à point pour arrêter ses bêtes, il était mort !

fauveau.

Tu veux donc absolument croire qu’il l’a fait exprès ?

la mère fauveau, se levant et se rapprochant de son mari.

Je ne le crois pas, Fauveau, j’en suis sûre ! Sylvain n’était point en faiblesse. Il était blanc comme un linge, mais il avait toute sa force, tout son vouloir ; mêmement il a pris son temps, il a regardé si on ne l’observait point, et quand il a cru que je ne le voyais plus, quand il a eu appelé une dernière fois Claudie, qui n’a pas seulement voulu tourner la tête de son côté, il a dit : « C’est bien ! » Et il s’est jeté sous la voiture pour se faire écraser. Demandez-le à Thomas, qui lui a dit en le relevant malgré lui : « Qu’est ce que vous faites là, mon maître ? Vous voulez donc mécontenter le bon Dieu ? » Demandez-le à madame Rose, qui lui a dit : « Qu’est-ce que vous faites là, Sylvain ? Vous voulez donc faire mourir votre mère ? » J’ai accouru, j’ai questionné, personne n’a voulu me répondre. Vous avez crié à Thomas : « Marche, marche ! » Sylvain a dit que le pied lui avait coulé en se retournant. Il a fait comme s’il voulait me sourire. Ah ! quel sourire, mon homme ! Si vous l’aviez vu comme je l’ai vu, vous ne dormiriez pas cette nuit. (Elle sanglote.)