Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/374

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ARMANDE, le reconnaissant.

M. le prince de Condé ! Ah ! mon Dieu !

CONDÉ.

Pardonnez-moi si, après les années écoulées sans vous voir, je ne vous ai pas reconnue tout d’abord. Ces années-là vous ont fait gagner en agrément tout ce qu’elles m’ont fait perdre.

ARMANDE, avec minauderie.

Oh ! monseigneur, j’ai toujours ma bague, elle ne m’a jamais quittée !

CONDÉ.

Je vous en rends mille grâces. (Il lui baise la main, et dit à part, après l’avoir regardée.) Toujours la même personne ! Naïveté bien étudiée. (Haut.) Vous devez être aujourd’hui une actrice accomplie. On le dit partout… (Se tournant vers Madeleine.) On le dit de vous deux.

MADELEINE.

Nous faisons de notre mieux pour mériter les distinctions que le roi accorde à la troupe de Molière.

CONDÉ, à Madeleine.

Savez-vous, mademoiselle, que, lorsque le bruit de la gloire de Molière m’est venu trouver, partout, dans le tumulte des camps, comme dans les loisirs de la retraite, je n’ai pas été surpris le moins du monde ?

ARMANDE.

Votre Altesse s’est rappelé que ce nom appartenait à un homme qu’elle avait rencontré pour un moment en voyage ?

CONDÉ.

Ce voyage-là, mademoiselle, a trop marqué dans ma vie, il a été trop hardi, trop périlleux, et couronné de trop de succès pour que j’en aie oublié la moindre circonstance ; je fis cent vingt lieues presque seul à travers des pays hostiles et dans un moment où ma tête était mise à prix. Eh bien, je ne fus reconnu que par un seul homme, lequel, par grande loyauté et générosité, ne me voulut point trahir, encore qu’il ne fût point de mon parti, et qu’il blamât mon entreprise.