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DUPARC.

Messieurs les magistrats vont avoir un beau pied de nez, eux qui comptaient l’interdire encore !

BARON.

Partons donc pour Paris, car nous n’avons que le temps de nous préparer.

MOLIÈRE.

Ah ! mon jeune Damis ! il te tarde de revoir le feu du lustre ! Allons ! ceci va me secouer et me faire oublier mon mal. Aidez-moi à tout préparer, mes amis. Toi, Pierrette, apprête mes paquets, pendant que je m’habillerai. Baron, range mes papiers, je te prie, et ferme tous mes tiroirs.

Tous sortent, excepté Baron.




Scène VI


BARON, seul.

Il s’approche du bureau et range les papiers.

Oui, ce voyage lui fera du bien… et à moi, du mal… car nous la reverrons ! Il faudra bien qu’elle reprenne son rôle dans le Tartufe, et, quoi qu’en dise Molière, il est plus pressé de lui pardonner que de la maudire !… Allons, du courage ! qu’importe que je souffre, pourvu qu’il soit heureux ! ma douleur est un mérite que j’offre au ciel pour l’amour de mon bienfaiteur, et ma consolation est de me sentir son ami, encore plus qu’il ne le peut savoir. (Il regarde les papiers.) Ah ! le manuscrit des Précieuses ridicules… Il est en ordre ? Oui… Les vers de Boileau ! Des vers ! encore des vers, des éloges, des injures !… des lettres… (Prenant une lettre ouverte.) Des lettres anonymes… En voici une toute fraîchement reçue… (Il lit.) « On fait savoir à Élomire… » — Élomire ? Ah ! oui, c’est l’anagramme de Molière… — « Le soin que prend sa piquante moitié de changer en réalité bien éclatante, bien scandaleuse, les soupçons du pauvre Sganarelle… » Ah ! c’est affreux… « C’est le prince de C…, le meilleur ami de l’igno-