Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/188

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domestique à c’t’ heure ? Vous prétendez donc m’aimer encore ?

PÉDROLINO.

Moi, mamselle ?… Oh ! je ne prétends pas ça !

VIOLETTE.

Ah ! vous n’y prétendez plus ? Eh bien, vous avez raison !

PÉDROLINO.

Raison ? Oh ! que oui, la raison m’est venue, car j’ai pris tant d’âge depuis hier, que les dents de sagesse ont dû me pousser ; mais, si je continue de ruminer comme ça, je m’en vas devenir si vite vieux, qu’elles me tomberont devant que de m’avoir servi…

VIOLETTE.

Peut-on savoir à quoi que vous avez tant songé ?

PÉDROLINO.

J’ai songé que je ne devais plus songer à vous.

VIOLETTE.

Je crois que cela ne vous coûtera guère.

PÉDROLINO.

Ah ! ça me coûtera si gros, que peut-être bien n’aurai-je jamais le moyen de me payer ça !… Mais qu’est-ce que ça vous fait ? je suis votre valet, ou je ne le suis pas.

VIOLETTE.

Vous ne l’êtes pas.

PÉDROLINO, le cœur gros.

En ce cas, je m’en vas… Adieu, mamselle !

VIOLETTE, effrayée.

Eh bien, vous l’êtes, vous l’êtes !

PÉDROLINO, revenant.

Alors, si je le suis, je ne suis pas si gredin que d’aller vous dire que je vous aime, comme le gars Pascariel, qui est un affronteux… Moi, je suis un bon serviteur, franc comme osier, et qui ne veut point se faire mépriser de son maître.

Le docteur parait au fond, et s’approche doucement.
VIOLETTE.

De son maître ? Ce n’est donc pas moi que vous servez ?