Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/245

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LE PRINCE.

Je le crois au ton dont vous le dites. Mais, une fois pour toutes, chère, je vous demande une chose, une seule : c’est d’avoir en moi la plus entière confiance ; si vous avez en tête quelque petit roman qui vous ait décidée à fuir en ma compagnie, contez-moi ça tout bonnement. Est-ce que vous me prenez pour un grondeur comme votre maestro ?

FLORA.

Je vous jure que je n’aime et ne veux aimer personne.

LE PRINCE.

Tiens ! vous êtes comme était la Félisina ! Mais vous ne tiendrez peut-être pas mieux parole qu’elle !…

FLORA.

Vous croyez qu’une femme ne peut pas vivre sans amour ?

LE PRINCE.

Si fait, quand elle est laide, il faut bien qu’elle s’y habitue : et, comme vous êtes fort jolie… Mais je ne vous fais pas de compliments, ce serait de mauvais goût. Vous avez le cœur libre, c’est une bonne situation pour entrer dans la carrière du théâtre. Un amant est toujours un maître ou un esclave, et l’un est aussi embarrassant que l’autre. Prenez donc ceci pour votre code particulier ; « Rester libre et n’avoir que des amis. »

FLORA, se levant.

Comme on vous calomniait à la maison ! Nina prétendait que vous me donneriez de mauvais conseils si je causais avec vous.

LE PRINCE.

Ah ! cette bonne Nina, elle croit encore aux roués de la Régence ! Elle les connaît… de réputation ! Elle les a vus au théâtre ou dans les romans. Un tas de chenapans qui font et disent les choses les plus bêtes !… C’étaient de grands sots, nos aimables aïeux, s’ils se conduisaient avec les femmes comme on les fait agir dans la littérature moderne ! Allons, chère, je vous laisse. Changez de toilette, ça vous reposera. Je vais en faire autant et reviendrai voir si vous n’avez pas