Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/316

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me suis toujours souvenu de votre attachement, Daniel ! C’est dans vos yeux que j’ai vu les seules larmes que mon départ ait fait couler ici. J’étais un enfant, on m’envoyait au collège, et je pressentais que je ne reverrais jamais mon père. Vous seul sembliez me regretter… ou me plaindre. Et depuis… Oh ! je sais tout, Daniel ! je sais que les petites sommes que je recevais chaque année, c’était la moitié de vos gages que vous mettiez de côté pour me l’envoyer. (Daniel paraît contrarié et embarrassé.) Ne vous en défendez pas : mon père n’avait pas même un faible souvenir pour moi, et ce que vous m’avez avancé, c’était pour vous un sacrifice immense.

DANIEL, vivement.

Qui vous a dit… ? J’aurais voulu, j’aurais dû faire davantage, (À part, attendri et mécontent.) Diable !… diable !… diable !… ça me gène…

STÉPHENS, à Adrien.

Voyons, mon ami, n’oubliez pas… (À Daniel en passant devant Adrien.) Daniel, répondez ! Vous devez savoir bien des choses. Dites sans crainte la vérité à votre maître. Qu’est devenu l’argent ?

DANIEL, comme étourdi du coup.

L’argent ?… Diable !… l’argent !…

ADRIEN.

Eh ! mon Dieu ! à quoi bon l’interroger ? Il sait bien, comme tout le monde, qu’un capital réalisé en argent est destiné à disparaître, et que la fortune de mon père a dû passer dans les mains de Charlotte.

Il s’assied à gauche de la table, Daniel a remonté et reste au fond.
STÉPHENS.

N’y renoncez pas si vite. On peut être très-délicat et très-positif. Si votre père vous a librement frustré pour enrichir une fille illégitime, je comprends que vous refusiez d’engager une lutte inutile peut-être, et scandaleuse à coup sûr ;