Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Scène IV


STÉPHENS, ADRIEN.


STÉPHENS, la suivant des yeux.

Elle pleure beaucoup.

ADRIEN.

Pleure-t-elle, ou fait-elle semblant ?

STÉPHENS.

Vous ne l’avez donc pas regardée ?

ADRIEN.

Le moins possible.

STÉPHENS.

Vous avez perdu. Elle est bonne à voir ; belle et douce comme un ange ! Ah ! c’est enivrant ! oui, enivrant !

ADRIEN.

Vraiment, mon cher Stéphens, vous vous adoucissez bien vite devant un jeune et frais visage ! Vous qui me recommandiez la sévérité, vous qui, à bord du navire qui me ramenait en France, me disiez chaque jour : « Vous êtes trop indifférent à la vengeance ; c’est un devoir pour l’honnête homme d’être sans pitié pour la méchanceté qui tue, sans égard pour la faiblesse qui trahit… » Il porte sa valise, puis son manteau, sur un vieux canapé au fond.

STÉPHENS.

Oui, et, au lieu de voir Paris, le but de mon voyage, j’ai voulu d’abord vous suivre au fond de cette province ; je sentais que, sans l’aide d’un ami énergique, ardent et versé dans les affaires, vous ne sauriez pas vous faire rendre justice.

ADRIEN.

Eh bien, vous le voyez, à présent ; vos peines sont inutiles, ma ruine est sans doute consommée, mes ennemis l’emportent ! Leurs armes sont la colère ou les pleurs, leur faiblesse fait leur force ; ce sont des femmes.