Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/327

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ADRIEN.

Vraiment, mon ami, vous plaisantez avec un sang-froid…

STÉPHENS.

Je ne plaisante jamais !

ADRIEN.

Quoi ! si vite ?

STÉPHENS.

Je vous l’ai dit, je suis comme ça ! Vous ne pouvez rien éprouver pour elle, vous ! Moi, je sens qu’elle m’appartiendra, ou que j’en deviendrai fou furieux ! oui, furieux !

ADRIEN, l’emmenant à droite.

Mais… prenez garde ! n’ayez que des vues honorables ; car je sens… Je dois me rappeler qu’elle mérite mon intérêt… mon appui peut-être !

LUCIE.

Monsieur est servi ! Elle montre un fauteuil à Adrien et se tient debout.

STÉPHENS, à Adrien.

Elle s’apprête à nous servir vraiment ! Souffrirez-vous cela ?

ADRIEN.

Non, certes !… (S’arrêtant et souriant.) Eh bien, si ! je veux l’éprouver… car le sentiment qu’elle semble réclamer de moi est plus sérieux que celui qu’elle vous inspire, et je l’aurai payé assez cher !

Il s’assied à table. Lucie le sert. Stéphens s’assied vis-à-vis de lui.
DANIEL, à part, la serviette sur le bras.

Ah ! il ne la fait pas manger avec lui ! Ce n’est pas bien ! (il croise machinalement sa redingote sur sa poitrine.) Ça me soulage !

LUCIE.

Daniel, apportez donc du vin ?

DANIEL, bas, s’approchant d’elle.

Du vin !… du vin ! où voulez-vous que j’en prenne ? Est-ce qu’elle n’a pas pu soin de vider la cave !