Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/159

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que moi, qui suis sage ; plus méchante que moi, qui suis bon.

CÉLIA.

Parle vite, ou je me fâche.

TOUCHARD, parlant très-vite et se mettant entre les femmes.

Votre père a fort bien reconnu Jacques, lequel fera sagement de décamper. Il a vu Rosalinde lui donner une lettre. L’intérêt qu’elle a marqué pour le petit Roland l’a frappé aussi. Il s’est mis fort en colère. Il dit que ses ennemis relèvent la tête, et que sa nièce conspire contre lui. Il ordonne qu’elle ait à sortir de ses États, où elle est trop aimée, et à chercher asile où bon lui semblera : et cela, dans huit jours, sous peine d’avoir la tête tranchée. Voilà, j’ai dit !

Il retourne à gauche.
ROSALINDE.

Tu l’entends, Célia. L’exil ou la mort ! Je te le disais bien !

TOUCHARD.

Ah ! tirons nos mouchoirs. Voici l’heure de pleurer !

JACQUES, à Célia, qui est restée absorbée.

Et pourtant, vous ne pleurez pas ?

CÉLIA.

Si j’ai à pleurer, c’est sur moi, et non pas sur elle. Ah ! cruel père ! que t’ai-je fait, et pourquoi traiter ainsi ta fille innocente et soumise ?

ROSALINDE.

Que dis-tu ? Tu n’as donc pas compris ?

CÉLIA.

Que trop ! Mon père ne m’aime plus, mon père ne m’aime pas ! M’accuser de conspirer contre lui, me bannir honteusement, m’abandonner à la misère, me menacer de la mort, moi, sa fille !

ROSALINDE.

Perds-tu l’esprit, ma pauvre Célia ? Il ne t’a ni bannie ni menacée.

CÉLIA.

Non. Tu ne le crois pas ? C’est que tu ne m’aimes pas