Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/229

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DES AUBIERS.

Mon Dieu ! vous savez bien que j’avais vingt-deux ans, quand on me laissa épouser une charmante cousine, dont j’étais épris, c’est dans l’ordre. Elle me donna beaucoup de jalousie, que je lui rendis avec usure. Ce n’était pas notre faute, nous étions trop jeunes tous les deux, et c’était un mariage d’amour.

DE LUNY.

Alors, vous avez passé au mariage de raison ?

DES AUBIERS.

Que voulez-vous !… J’étais veuf à vingt-cinq ans ! d’abord très-affecté, je m’enivrai peu à peu de ma liberté… Je fis, en votre compagnie, beaucoup de folies ; je mangeai ma fortune et je compromis celle de mon fils, par trop de confiance en affaires… Je suis une nature expansive, moi ; j’aime ce qui est généreux et grand ; je ne sais pas refuser, soupçonner, prévoir… mais je suis avant tout un bon père, et, un beau jour, à trente-cinq ans, je me fis des reproches et me décidai au mariage… avantageux ! Ma future était riche, de noblesse d’épée, tandis que je ne suis que de robe, jeune, plus que moi de quinze ans, et jolie… ah ! elle était jolie ! il n’y a pas à dire ! de plus, elle m’aimait ! Je ne suis pas un fat de le penser, puisqu’elle m’accepta veuf, père, ruiné, et pas très-bien revenu de mes erreurs de jeunesse.

DE LUNY.

Donc, c’est elle qui fit le mariage d’amour ?

DES AUBIERS.

Elle eut ce bonheur-là ; et je crus le partager… je me crus l’enfant mignon de la destinée ; mais…

DE LUNY.

Mais quoi ?… Elle est coquette ?

DES AUBIERS.

Ah bien, oui ! c’est un collet monté de première classe !…

DE LUNY.

Sans esprit ?