Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/238

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MARGUERITE.

Il y a quelque chose entre nous. Tu étais studieux, calme, heureux ; je t’ai cru assez raisonnable pour passer seul un an à Paris. Te voilà revenu, mais soucieux, hautain, sombre ! Je ne t’en parlais pas, j’espérais que ça se dissiperait ; mais ça empire, et je t’en parle. Cyprien, il faut me promettre de renoncer à cette fantaisie-là.

CYPRIEN.

Vous croyez qu’une fantaisie… ?

MARGUERITE.

Ne cherche pas à me tromper ; tu n’as jamais-menti, toi… Confesse-toi ; cette petite aventurière qu’on appelle Anna, je crois…

CYPRIEN, se levant.

Maman, je vous en supplie !… alors… pas un mot sur elle.

MARGUERITE.

Ah ! par exemple ! Tu t’imagines que je vais tranquillement te regarder faire des folies ?… Tu te trompes bien, mon garçon !… Un futur conseiller, courir la grisette !…

CYPRIEN.

Vous ne savez pas de qui vous parlez ; vous ne la connaissez pas.

MARGUERITE.

Je la connais assez ! c’est la protégée de M. de Luny.

CYPRIEN.

Non ! non ! jamais ! Est-ce lui qui répand cette calomnie ?… Si je le croyais…

MARGUERITE.

Tu lui en demanderais raison ? Heureusement, il n’est pas en France. Mais on peut protéger de loin.

CYPRIEN.

Ne le croyez pas ; ce n’est pas lui, c’est moi qui la protège ! moi seul !…

MARGUERITE.

Belle protection pour une honnête fille ! On sait ce que veut dire ce mot-là.