Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/241

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fil, et que la limite entre la sagesse et l’extravagance est aussi déliée que l’ombre d’un cheveu sur la muraille ; mais rien ne sert de s’en tourmenter, et je ne vois pas que ta délirante activité te préserve mieux que ne fait ma douce nonchalance. Je vois que tu pêches par l’excès contraire ; tu négliges trop la vie physique. Tu passes des semaines presque sans dormir et sans manger, privé d’air pur et séchant sur tes livres… Je doute que ce soit là un bon régime pour l’esprit et pour le corps !

MAX.

Oh ! moi, mon cher, je ne risque rien ! J’ai doublé mon cerveau d’un acier impénétrable, la logique ! J’ai vu le danger. J’avais de l’imagination tout comme un autre ; mais j’ai mis cette folle à la porte du logis, à grands coups de pied dans le dos, c’est-à-dire à grand renfort de savoir, d’expérimentations et de raisonnements positifs. La raison, mon cher Pérégrinus, la raison pure, implacable gardienne de nos facultés, tout est là, et il n’y a que cela !

PÉRÉGRINUS.

Savoir !

MAX.

Comment, savoir ?

PÉRÉGRINUS.

Eh ! mon Dieu, oui, qui sait ? Pour moi, tout se résume en espérance, et j’aime mieux croire des choses riantes et un peu chimériques que d’être absolument sûr qu’elles n’existent pas.

MAX.

Ah ! nous y voilà : le fantastique ! Tu as toujours eu cette tendance…

PÉRÉGRINUS.

Eh bien, pourquoi pas ? Je suis Allemand, moi, un bon et vrai Allemand de toutes pièces !

MAX.

Oui, poésie à échappement avec rouages et pivots !