Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce que je pense de vous : vous avez une prudence affreuse, Sylvia, vous êtes tout calcul, toute ambition ; vous vous faites gracieuse et prévenante envers Marielle, parce qu’il est un appui pour vous, parce qu’il est en belle réputation de talent, et de fortune ; mais celui qui n’a encore ni argent, ni renommée, celui qui ne possède que sa jeunesse, son amour et son courage, vous n’en faites non plus de cas que d’un roseau. Allez, mademoiselle, suivez votre penchant, égarez l’esprit d’un vieillard crédule…

SYLVIA.

Que dites-vous là ? oh ! taisez-vous, monsieur !

FABIO.

Ah ! ceci vous blesse ? J’ai donc touché bien juste !

SYLVIA.

Vous jugez que Marielle est épris de moi, et vous me voudriez rendre éprise de vous ? J’aurais cru que vous dussiez préférer Marielle à vous-même.

FABIO.

Si vous l’aimiez, je serais guéri, je ne serais point jaloux ; mais puis-je supporter qu’en me dédaignant, vous l’abusiez comme vous faites ?

SYLVIA.

Ne soyez donc pas envieux et ne songez plus à moi, Fabio ; car j’aime Marielle, je n’ai jamais aimé, je n’aimerai jamais que lui.

FABIO.

Lui, un vieillard ? Ah ! j’entends ! vous comptez qu’il vous épousera ? Il est célèbre et riche… le vieux Marielle !

SYLVIA.

Le vieux Marielle a un cœur plus noble que le tien, jeune Fabio, car il a cru à la droiture de mes sentiments et ne m’a point fait l’outrage de me juger intéressée.

FABIO.

Dites la vérité, si vous ne voulez point vous faire un jeu de mon amour. Vous vous mariez emsemble ?