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CARION.

Quant à moi, mon idée est que les dieux sont pauvres comme des sauterelles surprises par le froid, à commencer par le tonnant Jupiter, qui ne décerne aux vainqueurs des jeux olympiques qu’une simple couronne de feuillage comme celle-ci ! Aussi je me suis toujours émerveillé de voir les gens faire tant de dépense, se donner tant de mal et risquer de se casser les côtes pour recevoir de la main des dieux un méchant rameau d’olivier tout pareil à ceux qui poussent là dans la haie de notre jardin ! Si j’étais maître de mon corps comme je le suis de mon esprit, je ne voudrais courir et lutter que pour une couronne d’or, et je la voudrais si lourde, qu’il me faudrait trente bœufs pour la traîner… Alors… avec les trente bœufs, le char, la couronne, une centaine d’outrés de vin de Chios et un bon plat de tripes par-dessus le marché, je serais assez content des immortels !… Mais il faut (Myrto paraît) qu’ils soient chiches ou affamés, puisque leurs prêtres demandent toujours et ne donnent jamais


Scène III

CARION, BACTIS, MYRTO.

Pendant cette scène, Bactis, absorbé, regarde Myrto avec tristesse.

MYRTO.

Que faites-vous là, vils esclaves ? Vous blasphémez au seuil du bois de lauriers que mon père a consacré au grand Apollon !

CARION, montrant sa couronne.

Voyez, jeune maîtresse, je suis purifié aujourd’hui, et ma présence ne souille pas les approches du bois sacré.

MYRTO.

Ote cette couronne ; c’est l’heure du travail. Mon père te demande à la maison, va vite ! obéis !

CARION, à part, ôtant sa couronne.

Cette jeune fille manque de piété ! Je m’en plaindrai aux dieux ! (Il sort.)