Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit devant eux, ils ont l’air de regarder loin. Peut-être ta pensée va-t-elle aussi loin que tes yeux ; peut-être dort-elle, concentrée en toi-même. »

Tel était le monologue intérieur de Pierre André pendant que Marianne Chevreuse, après avoir descendu au pas sous les noyers, passait devant le ruisseau et s’éloignait au petit galop pour disparaître au tournant des roches. Marianne était une demoiselle de campagne, propriétaire d’une bonne métairie, rapportant environ cinq mille francs, ce qui représentait dans le pays un capital de deux cent mille. C’était relativement un bon parti, et pourtant elle avait déjà vingt-cinq ans et n’avait point trouvé à se marier. On la disait trop difficile et portée à l’originalité, défaut plus inquiétant qu’un vice aux yeux des gens de son entourage. On lui reprochait d’aimer la solitude, et on ne s’expliquait pas qu’orpheline à vingt-deux ans, elle eût refusé l’offre de ses parents de la ville, un oncle et deux tantes, sans parler de deux ou trois cousines, qui eussent désiré la prendre en pension et la produire dans le monde, où elle eût rencontré l’occasion d’un bon établissement. La Faille-sur-Gouvre n’était pas une ville sans importance. Elle comptait quatre mille habitants, une trentaine de familles bourgeoises, riches de cent mille à trois cent mille francs, plus des