Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/274

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un bonjour amical, il s’enfonça dans les branches et commença à s’interroger avec une ironie un peu amère.

Ce qu’il se dit alors est la suite du monologue placé en tête de notre récit ; mais ce fut un monologue écrit, Pierre aimait à écrire ; il avait toujours senti la vocation fermenter en lui sous la forme d’élans qui avaient besoin de l’expression pour se compléter. Ces élans intérieurs avaient tyrannisé sa vie sans la féconder, parce qu’il les refoulait ordinairement sans vouloir les traduire. Il s’imagina ce jour-là qu’il serait maître de son agitation, s’il prenait la peine de la discuter.

Il avait toujours sur lui un carnet d’un assez grand format, et il le remplissait souvent dans sa promenade du matin. Épris d’histoire naturelle, de peinture et d’archéologie, il y consignait ses remarques, y jetait parfois le croquis d’une ruine ou d’un paysage, et, comme il ne se défendait pas d’aimer et de goûter la nature et l’art, il se trouvait souvent que ses observations prenaient une forme descriptive assez littéraire.

— Mon mal, se dit-il, c’est la rêverie. Je m’y évapore comme une brume au soleil. Quand je fixe ma jouissance par l’expression, je m’en trouve bien. Pourquoi n’essayerais-je pas de fixer aujourd’hui ma souffrance ? car je souffre, le