Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/43

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— Je ne puis pas le dire. Il me faut y réfléchir mûrement et faire une enquête sérieuse. Je me donnerai cette peine, s’il le faut, c’est-à-dire si tu y tiens. Y tiens-tu beaucoup ? Le trouble où je te vois est-il simplement le fait de l’orgueil blessé ? Es-tu offensé de voir Émilie si susceptible et si vite consolée ? Dans ce cas, ta raison et ta bonté reprendront vite le dessus. L’affaire s’éclaircira d’elle-même ; ou Émilie se justifiera, et vous vous aimerez encore, ou elle s’avouera engagée avec un autre, et tu iras philosophiquement à sa noce ; mais, si, comme je le crois, ton chagrin est assez profond, s’il y a de l’amour contristé et froissé dans ton cœur, il faut qu’Émilie revienne à toi et renvoie le prétendant qui s’est glissé auprès d’elle pour profiter de son dépit en ton absence.

— Émilie n’eût pas dû souffrir ce prétendant ! Elle eût dû se dire que je n’étais pas homme à disputer une femme qui se compromet et se livre par vengeance ! Je la regardais comme une espèce de sainte, elle n’est plus à mes yeux qu’une petite coquette de village sans consistance et sans dignité.

— Alors tu ne dois pas la regretter, et tu ne la regrettes pas ?

— Non, père, je ne la regrette pas. Je n’avais plus envie de me marier ; mais, si je l’eusse retrouvée telle que je la connaissais ou croyais la