Page:Sand - Valentine, CalmannLévy, 1912.djvu/24

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d’une protection toute féodale.

— Comment ! c’est là Bénédict ? s’écria-t-elle, c’est là ce marmot que j’ai vu tout petit sur le sein de sa mère ? Eh ! bonjour, mon garçon ! je suis charmée de te voir si grand et si bien mis. Tu ressembles à ta mère que c’est effrayant. Ah ça, sais-tu que nous sommes d’anciennes connaissances ? tu es le filleul de mon pauvre fils, le général qui est mort à Waterloo. C’est moi qui t’ai fait présent de ton premier fourreau ; mais, tu ne t’en souviens guère. Combien y a-t-il de cela ? Tu dois avoir au moins dix-huit ans ?

— J’en ai vingt-deux, Madame, répondit Bénédict.

— Sangodémi ! s’écria là marquise, déjà vingt-deux ans ! Voyez comme le temps passe ! Je te croyais de l’âge de ma petite-fille. Tu ne la connais pas, ma petite-fille ? Tiens, regarde-la ; nous savons faire des enfants aussi, nous autres ! Valentine, dis donc bonjour à Bénédict ; c’est le neveu du bon Lhéry, c’est le prétendu de ta petite camarade Athénaïs. Parle-lui, ma fille.

Cette interpellation pouvait se traduire ainsi : « Imite-moi, héritière de mon nom ; sois populaire, afin de sauver ta tête à travers les révolutions à venir, comme j’ai su faire dans les révolutions passées. » Néanmoins, mademoiselle de Raimbault, soit adresse, soit usage, soit franchise, effaça, par son regard et son sourire, tout ce que la bienveillance impertinente de la marquise avait excité de colère dans l’âme de Bénédict. Il avait fixé sur elle des yeux hardis et railleurs ; car sa fierté blessée avait fait disparaître un instant la timide sauvagerie de son âge. Mais l’expression de ce beau visage était si douce et si sereine, le son de cette voix si pur et si calmant, que le jeune homme baissa les yeux et devint rouge comme une jeune fille.

— Ah ! Monsieur, lui dit-elle, ce que je puis vous dire de plus sincère, c’est que j’aime Athénaïs comme ma sœur ; ayez donc la bonté de me l’amener. Je la cherche depuis longtemps sans pouvoir la joindre. Je voudrais pourtant bien l’embrasser.

Bénédict s’inclina profondément et revint bientôt avec sa cousine. Athénaïs se promena à