Page:Sand - Valvèdre.djvu/122

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Valvèdre me traiterait en jeune homme que l’on veut encourager, protéger ou conseiller au besoin. Je n’avais plus senti la force d’interroger Obernay sur son compte. Depuis que j’aimais Alida, j’aurais voulu oublier l’existence de son mari. D’après le peu de mots que, malgré moi, j’avais été forcé d’entendre, je me représentais un homme froid, très-digne et assez railleur. Selon Alida, c’était le type des intentions généreuses avec le secret dédain des consciences imbues de leur supériorité.

Qu’il fût paternel ou blessant dans sa bienveillance, j’étais bien assez malheureux sans avoir encore la honte et le remords de trahir un homme qu’il m’eût peut-être fallu estimer et respecter en dépit de moi-même. Je résolus de ne pas l’attendre ; mais Alida me trouva lâche et m’ordonna de rester.

— Vous m’exposez à d’étranges soupçons de sa part, me dit-elle. Que va-t-il penser d’un jeune homme qui, après avoir accepté le soin de me protéger dans mon isolement, s’enfuit comme un coupable à son approche ? Obernay et Paule seront également frappés de cette conduite, et n’auront pas plus que moi une bonne raison à donner pour l’expliquer. Comment ! vous n’avez pas prévu qu’en aimant une femme mariée, vous contractiez l’obligation d’affronter tranquillement la rencontre de son mari, que vous me deviez de savoir souffrir pour moi, qui vais souffrir pour vous cent fois davantage ? Songez donc au rôle de la femme en pareille circonstance : s’il y a lieu de