Page:Sand - Valvèdre.djvu/14

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pas changé en lui : c’était une peau blanche comme la neige et un ton de visage d’une fraîcheur vive qui eût pu être envié par une femme.

Henri Obernay était devenu fort savant à plusieurs égards ; mais la botanique était pour le moment sa passion dominante. Son compagnon de voyage, chimiste, physicien, géologue, astronome et je ne sais quoi encore, était en course quand j’arrivai, et ne devait rentrer que le soir. Le nom de ce personnage ne m’était pas inconnu, je l’avais souvent entendu prononcer par mes parents : il s’appelait M. de Valvèdre.

La première chose qu’on se demande après une longue séparation, c’est si l’on est content de son sort. Obernay me parut enchanté du sien. Il était tout à la science, et, avec cette passion-là, quand elle est sincère et désintéressée, il n’y a guère de mécomptes. L’idéal, toujours beau, a l’avantage d’être toujours mystérieux, et de ne jamais assouvir les saints désirs qu’il fait naître.

J’étais moins calme. L’étude des lettres, qui n’est autre que l’étude des hommes, est douloureuse quand elle n’est pas terrible. J’avais déjà beaucoup lu, et, bien que je n’eusse aucune expérience de la vie, j’étais un peu atteint par ce que l’on a nommé la maladie du siècle, l’ennui, le doute, l’orgueil. Elle est déjà bien loin, cette maladie du romantisme. On l’a raillée, les pères de famille d’alors s’en sont beaucoup plaints ; mais ceux d’aujourd’hui devraient peut-être la regretter. Peut-être valait-elle mieux que la réaction qui