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V


J’avais promis à Obernay de frapper à sa porte la veille de son mariage. Le 31 juillet, à cinq heures du matin, je m’embarquais sur un bateau à vapeur pour traverser le Léman, de Lausanne à Genève.

Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit, tant je craignais de manquer l’heure du départ. Accablé de fatigue et roulé dans mon manteau, je pris quelques instants de repos sur un banc. Quand j’ouvris les yeux, le soleil se faisait déjà sentir. Un homme qui paraissait dormir également était assis sur le même banc que moi. Au premier coup d’œil que je jetai sur lui, je reconnus mon ami anonyme du Simplon.

Cette rencontre aux portes de Genève m’inquiéta un peu ; j’avais commis la faute d’écrire d’Altorf à Obernay en lui donnant de ma promenade un faux itinéraire. Cet excès de précaution devenait une maladresse fâcheuse, si la personne qui m’avait vu sur la route de Valvèdre était de Genève et en relation avec les Valvèdre ou les Obernay. J’aurais donc voulu me soustraire à ses regards ; mais le bateau était fort petit, et, au bout de quelques instants, je me retrouvai face à face avec mon aimable philosophe. Il me regardait avec attention, comme s’il eût hésité à me