Page:Sand - Valvèdre.djvu/186

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s’étonner un peu d’un si beau zèle, et cet étonnement même était une impression de pudeur. Je ne la regardais pas, craignant d’avoir l’air de mendier un remerciement ; mais elle me l’adressa un instant après, quand la figure de la contredanse la replaça près de moi.

— Vous m’avez préservée d’une chute, me dit-elle tout haut en souriant ; vous êtes toujours bon pour moi, comme jadis !

Bon pour elle ! c’était trop de reconnaissance à coup sûr, et cela pouvait amener une déclaration de la part d’un impertinent ; mais il eût fallu l’être jusqu’à l’imbécillité pour ne pas sentir dans l’extrême politesse de cette chaste fille un doute d’elle-même qui imposait aux autres un respect sans bornes.

Je n’attendis pas la fin du bal. J’y souffrais trop. Comme j’allais gagner ma petite chambre, Valvèdre se trouva devant moi et me fit signe de le suivre à l’écart.

— Voici l’explication, pensai-je : qu’il se décide donc enfin à me chercher querelle, ce mystérieux personnage ! Ce sera me soulager d’une montagne qui m’étouffe !

Mais il s’agissait de bien autre chose.

— Il est arrivé ici tantôt, me dit-il, des parents de Lausanne sur lesquels on ne comptait plus. On est forcé de leur donner l’hospitalité et de disposer de votre chambre. Ce sont deux vieillards, et vous leur cédez naturellement la place ; mais on ne veut pas vous envoyer à l’auberge, on vous confie à moi. J’ai