Page:Sand - Valvèdre.djvu/191

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ouvert et dites-moi ce que le brave Henri Obernay vous reproche.

Je fus sur le point de m’épancher dans le sein de Valvèdre comme un enfant qui se confesse, et non plus comme un orgueilleux qui se défend. Pourquoi ne cédai-je point à un salutaire entraînement ? Il eût probablement arraché de ma poitrine, sans le savoir et par la seule puissance de sa haute moralité, le trait empoisonné qui devait se tourner contre lui ; mais je chérissais trop ma blessure, et j’eus peur de la voir fermer. J’éprouvais aussi une horreur instinctive d’un pareil épanchement avec celui dont j’étais le rival. Il fallait être résolu à ne plus l’être, ou devenir le dernier des hypocrites. J’éludai l’explication.

— Henri me reproche précisément, lui répondis-je, le scepticisme, cette maladie de l’âme dont vous voulez me guérir ; mais ceci nous mènerait trop loin ce soir, et, si vous le permettez, nous en causerons une autre fois.

— Allons, dit-il, je vois que vous avez envie de retourner au bal, et peut-être sera-ce un meilleur remède à vos ennuis que tous mes raisonnements. Un seul mot avant que je vous donne le bonsoir… Pourquoi m’avez-vous dit, à notre première rencontre, que vous étiez comédien ?

— Pour me sauver d’une sotte honte ! Vous m’aviez surpris parlant tout seul.

— Et puis, en voyage, on aime à mystifier les passants, n’est-il pas vrai ?