Page:Sand - Valvèdre.djvu/196

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de votre future, je me suis expliqué votre conduite depuis trois jours. Dès que vous êtes entré dans cette maison, dès que vous avez vu celle qu’on vous destinait, votre manière d’être avec moi a entièrement changé. Vous n’avez pas su trouver un instant pour me parler en secret, vous n’avez pas pu inventer le plus petit expédient, vous qui savez si bien pénétrer dans les forteresses par-dessus les murs, quand le désir vient en aide à votre génie. Vous avez été vaincu par l’éclat de la jeunesse, et, moi, j’ai pâli, j’ai disparu comme une étoile de la nuit devant le soleil levant. C’est tout simple. Enfant, je ne vous en veux pas ; mais pourquoi manquer de franchise ? pourquoi m’avoir fait souffrir mille tortures ? pourquoi, sachant que je haïssais à bon droit certaine vieille fille, l’avoir traitée avec une vénération ridicule ? N’avez-vous pas senti déjà des mouvements de malveillance, presque d’aversion, contre la malheureuse Alida ? Il me semble que, dans un moment, l’unique moment où vos regards, sinon vos paroles, pouvaient me rassurer, vous m’avez fait entendre que j’étais, selon vous, une mauvaise mère. Oui, oui, on vous avait déjà dit cela, que je préférais mon bel Edmond à mon pauvre Paul, que celui-ci était une victime de ma partialité, de mon injustice : c’est le thème favori de mademoiselle Juste, et elle avait bien réussi à le persuader à mon mari, qui m’estime ; elle a dû réussir plus vite à le prouver à mon amant, qui ne m’estime pas !

» Allons ! il faut se placer au-dessus de ces misères !