Page:Sand - Valvèdre.djvu/252

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théâtre ou au sermon. Il me semblait porter en moi un homme plus sérieux, plus digne d’être aimé, plus capable de lui donner, ainsi qu’à son fils, une considération mieux fondée. Je ne prétendais pas à la renommée, mais j’avais aspiré à être un serviteur utile, apportant son contingent de recherches patientes et courageuses à cet édifice des sciences, qui est pour lui l’autel de la vérité. Je comptais bien qu’Alida arriverait à comprendre mon devoir, et que, la première ivresse de domination assouvie, elle rendrait à sa véritable vocation celui qui avait prouvé une tendresse sans bornes par une docilité sans réserve.

» Dans cet espoir, je me risquais de temps en temps à lui faire pressentir le néant de notre prétendue vie d’artistes. Nous aimions et nous goûtions les arts ; mais, n’étant artistes créateurs ni l’un ni l’autre, nous ne devions pas prétendre à cette suite éternelle de jugements et de comparaisons qui fait du rôle de dilettante, quand il est exclusif, une vie blasée, hargneuse ou sceptique. Les créations de l’art sont stimulantes ; c’est là leur magnifique bienfait. En élevant l’âme, elles lui communiquent une sainte émulation, et je ne crois pas beaucoup aux véritables ravissements des admirateurs systématiquement improductifs. Je ne parlais pas encore de me soustraire au doux far niente où ma femme se délectait, mais je tentais d’amener en elle-même une conclusion à son usage.

» Elle était assez bien douée, et, d’ailleurs, assez frottée de musique, de peinture et de poésie, depuis