Page:Sand - Valvèdre.djvu/256

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» — Non, certes ; je travaillerai près de vous, je renoncerai à de certaines constatations qu’il faudrait aller chercher trop loin ; mais vous me ferez aussi quelques sacrifices : nous verrons moins d’oisifs, nous nous fixerons quelque part pour un temps donné. Ce sera où vous voudrez, et, si vous vous y déplaisez, nous essayerons un autre milieu ; mais, de temps en temps, vous me permettrez une phase de travail sédentaire…

» — Oui, oui ! reprit-elle, vous voulez vivre pour vous seul, vous avez assez vécu pour moi. Je comprends : l’amour est assouvi, fini par conséquent !

» Rien ne put la faire revenir de cette prévention que l’étude était sa rivale, et que l’amour n’était possible qu’avec l’oisiveté.

» — Aimer est tout, disait-elle, et celui qui aime n’a pas le temps de s’occuper d’autre chose. Pendant que l’époux s’enivre des merveilles de la science, l’épouse languit et meurt. C’est le sort qui m’attend, et, puisque je vous suis un fardeau, je ferais aussi bien de mourir tout de suite.

» Mes réponses ne servirent qu’à l’exaspérer. J’essayai d’invoquer le dévouement à mon avenir dont elle avait parlé d’abord. Elle jeta ce léger masque dont elle avait essayé de couvrir son ardente personnalité.

» — Je mentais, oui, je mentais ! s’écria-t-elle. Votre avenir existe-t-il donc en dehors du mien ? Pouvez-vous et devez-vous oublier qu’en prenant ma vie tout entière, vous m’avez donné la vôtre ? Est-ce tenir pa-