Page:Sand - Valvèdre.djvu/263

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pouvait conjurer cette destinée, qu’elle frissonnait en voulant caresser cette horrible créature, sa malédiction, son châtiment et le mien. Que sais-je ! Je la crus folle, je la promenai encore et j’éloignai l’enfant ; mais elle se fit des reproches, l’instinct maternel parla plus haut que les préventions, ou bien l’orgueil de la femme se révolta. Elle voulut en finir avec l’espérance, ce fut son mot. Cela signifiait que, n’étant plus aimée de moi, elle renonçait à me retenir à ses côtés. Elle me demanda de lui faire arranger Valvèdre, qu’elle avait vu un jour en passant, et qu’elle avait déclaré triste et vulgaire. Elle voulait vivre maintenant là avec mes sœurs, qui s’y étaient fixées. Je l’y conduisis, je fis du petit manoir une riche résidence, et je m’y établis avec elle.

» Mon ami, tu le comprends maintenant, il n’y avait plus d’enthousiasme, plus d’espoir, plus d’illusions, plus de flamme dans mon affection pour elle ; mais l’amitié fidèle, un dévouement toujours entier, un grand respect de ma parole et de ma dignité, une compassion paternelle pour cette faible et violente nature, un amour immense pour mes enfants avec une tendresse plus raffinée peut-être pour celui que ma femme n’aimait pas, c’en était bien assez pour me retenir à Valvèdre. J’y passai une année qui ne fut pas perdue pour ma jeune sœur et pour mes fils. Je donnai à Paule une direction d’idées et de goûts qu’elle a religieusement suivie. J’enseignai à ma sœur aînée la science des mères, que ma femme n’avait