Page:Sand - Valvèdre.djvu/274

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Nous nous dévorerons sur le même brasier, c’est notre vie ! Séparés, nous ne serions ni plus tranquilles ni plus sages. Va ! nous sommes de la race des poëtes, c’est-à-dire nés pour souffrir et pour nous consumer dans la soif d’un idéal qui n’est pas de ce monde. Nous ne le saisirons donc pas à toute heure, mais nous ne cesserons pas d’y aspirer ; nous le rêverons sans cesse et nous l’étreindrons quelquefois. Que veux-tu de mieux ailleurs, âme tourmentée ? Préfères-tu le néant de la désillusion ou les faciles amours de la vie mondaine, la retraite à Valvèdre ou l’équivoque existence de la femme sans mari et sans amant ? Sache que je me soucie fort peu des jugements de M. de Valvèdre sur ton compte. C’est peut-être un grand homme que tu n’as pas compris ; mais il ne t’a pas mieux comprise, lui qui n’a rien su faire de ton individualité, et qui a prononcé l’arrêt de son impuissance morale le jour où il a cessé de t’aimer. Que n’étais-je en face de lui et seul avec lui tout à l’heure ! sais-tu ce que je lui aurais dit ? « Vous ne savez rien de la femme, vous qui voulez lui tracer un rôle conforme à vos systèmes, à vos goûts et à vos habitudes. Vous ne vous faites aucune idée de la mission d’une créature exquise, et, en cela, vous êtes un pitoyable naturaliste. Vous êtes leibnitzien, je le vois de reste, et vous prétendez que la vertu consiste à concourir au perfectionnement des choses humaines par la connaissance des choses divines. Soit ! vous prenez Dieu pour type absolu, et, de même qu’il pro-