Page:Sand - Valvèdre.djvu/292

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ment. Comme deux oiseaux blessés, nous nous pressions l’un contre l’autre pour cacher le sang qui eût révélé nos traces.

Alida fut grande en ce moment. Elle vint me trouver. Elle souriait, elle était belle comme l’ange du naufrage qui soutient et dirige le navire en détresse.

— Tu n’as pas tout lu, me dit-elle ; voici des lettres qu’on avait remises à Bianca pour moi au moment où elle a quitté Genève. Je te les avais cachées ; je veux que tu les connaisses.

La première de ces lettres était de Juste de Valvèdre.

« Ma sœur, disait-elle, où êtes-vous donc ? Cette amie polonaise a quitté Vevay ; elle est donc guérie ? Elle va en Italie et vous l’y suivez précipitamment, sans dire adieu à personne ! Il s’agit donc d’un grand service à lui rendre, d’un grand secours à lui porter ? Ceci ne me regarde pas, direz-vous ; mais me permettrez-vous de vous dire que je suis inquiète de vous, de votre santé altérée depuis quelque temps, de l’air agité d’Obernay, de l’air abattu de mon frère, de l’air mystérieux de Bianca ? Elle n’a pas du tout l’air d’aller en Italie… Chère, je ne vous fais pas de questions, vous m’en avez dénié le droit, prenant ma sollicitude pour une vaine curiosité. Ah ! ma sœur, vous ne m’avez jamais comprise ; vous n’avez pas voulu lire dans mon cœur, et je n’ai pas su vous le révéler. Je suis une vieille fille gauche, tantôt brusque