Page:Sand - Valvèdre.djvu/30

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dormait, la tête à l’ombre et les jambes au soleil, je l’étudiai de nouveau avec intérêt, comme quelqu’un que l’on sent devoir prendre de l’ascendant sur votre existence. Je ne sais pourquoi, je le mis en parallèle dans ma pensée littéraire et descriptive avec l’israélite Moserwald. Cela se présentait à moi comme une antithèse naturelle : l’un gras et nonchalant comme un mangeur repu, l’autre actif et maigre comme un chercheur insatiable ; le premier, jaune et luisant comme l’or qui avait été le but de sa vie ; l’autre, frais et coloré comme les fleurs de la montagne qui faisaient sa joie, et qui, comme lui, devaient aux âpres caresses du soleil la richesse de leurs tons et la pureté de leurs fins tissus.

Ceci était pour mon imagination, jeune et riante alors, l’indice d’une vocation bien prononcée chez mon ami. Au reste, j’ai toujours remarqué que les vives appétences de l’esprit ont leurs manifestations extérieures dans quelque particularité physique de l’individu. Certains ornithologues ont des yeux d’oiseau ; certains chasseurs, l’allure du gibier qu’ils poursuivent. Les musiciens simplement virtuoses ont l’oreille conformée d’une certaine façon, tandis que les compositeurs ont dans la forme du front l’indice de leur faculté résumatrice, et semblent entendre par le cerveau. Les paysans qui élèvent des bœufs sont plus lents et plus lourds que ceux qui élèvent des chevaux, et ils naissent ainsi de père en fils. Enfin, sans vouloir m’égarer dans de nombreux exemples, je puis dire