Page:Sand - Valvèdre.djvu/33

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cendre du monde hébraïque, et, ingrats disciples, nous avons voulu l’anéantir au lieu de l’amener à nous suivre. Il se venge. C’est absolument comme ces arbres dont les racines avides et folles soulèvent les roches et creusent le chemin aux avalanches qui les engloutiront.

— Alors, selon toi, les juifs sont les futurs maîtres du monde ?

— Pour un moment, je n’en doute pas ; après quoi, d’autres cataclysmes les emporteront vite, s’ils restent juifs : il faut que tout se renouvelle ou périsse, c’est la loi de l’univers ; mais, pour en revenir à Moserwald, quel qu’il soit, crains de te lier avec lui avant de le bien connaître.

— Je ne compte pas me lier jamais avec lui, bien que je le juge mieux que tu ne fais.

— Je ne le juge pas ; je ne sais rien sur son compte qui m’autorise à le soupçonner en tant qu’individu. Au contraire, je sais qu’il a la réputation de tenir sa parole et d’être large en affaires plus qu’aucun de sa race ; mais tu me dis qu’il parle légèrement de M. de Valvèdre, et cela me déplaît. Et puis il t’offre ses services, et cela m’inquiète. On peut toujours avoir besoin d’argent, et la fable de Shylock est un symbole éternellement vrai. Le juif a instinctivement besoin de manger un morceau de notre cœur, lui qui a tant de motifs de nous haïr, et qui n’a pas acquis avec le baptême la sublime notion du pardon. Je t’en supplie, si tu te voyais entraîné à quelque dépense imprévue,