Page:Sand - Valvèdre.djvu/332

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plus ni la joie, ni l’amour, ni la douleur ! tu n’auras pas de rimes pour cette catastrophe de ta vie ! Non, Dieu merci, tu n’es pas encore desséché à ce point. La honte tuera ta pauvre muse : elle a perdu le droit de vivre !

Un son lointain de cloches me fit tressaillir : c’était le glas des funérailles. Je montai sur la pointe la plus avancée du rocher, et je distinguai, spectacle navrant, une ligne noire qui se dirigeait vers le château. C’étaient les derniers honneurs rendus par les villageois des environs à la pauvre Alida ; on la descendait dans la tombe, sous les ombrages de son parc. Quelques voitures annonçaient la présence des amis qui plaignaient son sort sans le connaître, car notre secret avait été scrupuleusement gardé. On la croyait morte dans un couvent d’Italie.

J’essayai pendant quelques instants de douter de ce que je voyais et entendais. Le chant des prêtres, les sanglots des serviteurs et même, il me sembla, des cris d’enfants montaient jusqu’à moi. Était-ce une illusion ? Elle était horrible, et je ne pouvais m’y soustraire. Cela dura deux heures ! Chaque coup de cette cloche tombait sur ma poitrine et la brisait. À la fin, j’étais insensible, j’étais évanoui. Je venais de sentir Alida mourir une seconde fois.

Je ne revins à moi qu’aux approches de la nuit. Je me traînai à la Rocca, où mes vieux hôtes n’étaient plus qu’un. La femme était morte. Le mari m’ouvrit ma chambre sans s’occuper autrement de moi. Il re-