Page:Sand - Valvèdre.djvu/347

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béquille, moitié sur le bras jeune et solide de Rosa, vint à ma rencontre sur la grève.

— Oh ! mon Dieu, mon Dieu, c’est trop de bonheur ! m’écriai-je. Vous trouver là, vous !

— C’est-à-dire m’y retrouver définitivement, répondit-il, car je ne m’en vais plus d’ici, moi ! On s’est arrangé comme je l’exigeais ; je paye ma petite pension, et je ne regrette pas tant qu’on le croirait mes brouillards de Belgique. Je ne serai pas fâché de mourir en pleine lumière au bord des flots bleus. Tout cela, tu comprends ? c’est pour te dire tout de suite que tu restes et que nous ne nous quittons plus !

Paule arriva aussi en courant avec Moserwald, à qui elle reprochait d’être moins agile qu’une nourrice portant son poupon. Je vis du premier coup d’œil qu’on s’était intimement lié avec lui et qu’il en était fier. L’excellent homme fut bien ému en me voyant. Il m’aimait toujours et mieux que jamais, car il était forcé de m’estimer. Il était marié, il avait épousé des millions israélites, une bonne femme vulgaire qu’il aimait parce qu’elle était sa femme et qu’elle lui avait donné un héritier. Il avait fini le roman de sa vie, disait-il, sur une page trempée de larmes, et la page n’avait jamais séché.

Le père et la mère d’Obernay n’avaient presque pas vieilli ; la sécurité du bonheur domestique leur faisait un automne majestueux et pur. Ils m’accueillirent comme autrefois. Connaissaient-ils mon histoire ? Ils ne me l’ont jamais laissé deviner.