Page:Sand - Valvèdre.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de choses ils avaient donc à se dire ! Je crois qu’ils se communiquaient des idées excellentes dans un langage meilleur encore ; mais je n’entendis rien. J’ai constaté plus tard que mademoiselle de Valvèdre avait une belle intelligence, beaucoup d’instruction, un jugement sain, élevé, et même un grand charme dans l’esprit ; mais, en ce moment où, recueilli en moi-même, je ne songeais qu’à contenir les battements de mon cœur, combien je m’étonnais de la liberté morale de ces heureux fiancés qui s’exprimaient si facilement et si abondamment leurs pensées ! Ils avaient déjà l’amour communicatif, l’amour conjugal : pour moi, je sentais que le désir est farouche et la passion muette.

Alida avait-elle de l’esprit naturel ? Je ne l’ai jamais su, bien que je l’aie entendue dire des choses frappantes et parler quelquefois avec l’éloquence de l’émotion ; mais, d’habitude, elle se taisait, et, ce soir-là, soit qu’elle voulût ne rien révéler de son âme, soit qu’elle fût brisée de fatigue ou fortement préoccupée, elle ne prononça qu’avec effort quelques mots insignifiants. Je me trouvais et je restais assis beaucoup trop près d’elle ; j’aurais pu et j’aurais dû être à distance plus respectueuse. Je le sentais et je me sentais aussi cloué à ma place. Elle en souriait sans doute intérieurement mais elle ne paraissait pas y prendre garde, et les deux fiancés étaient trop occupés l’un de l’autre pour s’en apercevoir. Je serais resté là toute la nuit sans faire un mouvement, sans avoir une idée nette, tant je me