Page:Sand Musset Decori - Correspondance.djvu/39

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Et cet être divin, cette femme angélique
Que dans l’air embaumé Raymond voit voltiger,
Cette frêle Indiana dont la forme magique
Erre sur les miroirs comme un spectre léger,

Ô George ! n’est-ce pas la pâle fiancée
Dont l’Ange du désir est l’immortel amant ?
N’est-ce pas l’Idéal, cette amour insensée
Qui sur tous les amours plane éternellement ?

Ah, malheur à celui qui lui livre son âme !
Qui couvre de baisers sur le corps d’une femme
Le fantôme d’une autre, et qui, sur la beauté.
Veut boire l’idéal dans la réalité !

Malheur à l’imprudent qui, lorsque Noun l’embrasse
Peut penser autre chose en entrant dans son lit,
Sinon que Noun est belle et que le Temps qui passe,
A compté sur ses doigts les heures de la nuit !

Demain viendra le jour, demain, désabusée,
Noun, la fidèle Noun, par sa douleur brisée,
Rejoindra sous les eaux l’ombre d’Ophélia.
Elle abandonnera celui qui la méprise ;

Et le cœur orgueilleux qui ne l’a pas comprise
Aimera l’autre en vain — n’est-ce pas, Lélia ?

24 juin 1833.