— Quelle est donc cette Gina dont le nom trouve ici tant d’échos ? dit le Français.
— Vous ne le savez pas ? dit Valterna avec amertume, c’est la duchesse de R**.
Numa fit un mouvement de surprise.
— Oui, reprit Valterna, la femme du duc de R**, votre compatriote. N’avez-vous pas entendu dire qu’il s’était marié ici avec une chanteuse ?
— Il est vrai ; je m’en souviens à présent.
— Gina ! pauvre Ginetta ! dit le Véronais ; on a vanté son bonheur, elle fut seule à ne pas y croire. Certes elle pourrait dire tout ce qu’il y a de maux vivants sous l’éclat des richesses… Elle était si belle autrefois, jeune fille chantant chaque soir sur le théâtre de Vérone, puisant le bonheur et la vie dans les applaudissements d’un public qu’elle enivrait de sa voix magique, et qui l’épuisait à son tour des transports de son enthousiasme ; jeune fille si belle à voir et si ravissante à entendre qu’on ne pouvait la voir et l’entendre à la fois ! Oh ! si vous l’aviez vue paraître, froide d’abord et belle comme une statue antique, absorbant dans son regard toute une foule muette et pâlissante ! si vous aviez vu ses narines se gonfler, ses lèvres frémir, son sein s’agiter aux premiers accords !