Page:Sandeau - Houssaye - Les Revenants.djvu/25

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s’abandonnait à la verve de son talent, si elle retrouvait ses brûlantes inspirations, vous eussiez vu ses joues se colorer, ses yeux s’animer, quelque chose d’inspiré briller dans ses regards. Qu’elle était belle encore ! On l’entourait alors, on la complimentait, mais son regard s’éteignait tout à coup, et sa tête s’affaissait tristement sur son sein. Ce n’étaient plus cette extase immobile, ce silence contemplatif, ces trépignements frénétiques ; ce n’étaient plus ces femmes brûlant de sa passion et pleurant de ses larmes, ces mouchoirs qui s’agitaient, ce lustre étincelant sous la voûte retentissante, cette pluie de fleurs qui tombait à ses pieds ; ce n’étaient plus ces cris qui la rappelaient sur la scène : dans ses salons tout était froid et morne. En vain chercha-t-elle à vaincre cette rêverie amère qui la consumait ; en vain essaya-t-elle des chants vifs et joyeux : si elle venait à laisser courir ses doigts sur le piano, si elle forçait sa voix à des mesures vives et pressées, bientôt, seule au milieu de la foule étonnée, elle revenait aux noires pensées qui l’assiégaient sans cesse ; ses doigts erraient lentement sur les touches plaintives, sa voix s’affaiblissait, des phrases d’une harmonie poignante sortaient sourdement de sa poitrine, et