un nuage, planant sur la foule immobile, et se brisant sur la voûte comme les ondulations de l’eau agitée contre la pierre du bassin qui l’enferme. Lorsque Gina parut tous les fronts se découvrirent, et d’un mouvement spontané la foule se leva comme un seul homme. Pas un cri, pas un murmure, elle était muette. Il n’y eut alors ni joie ni enthousiasme, il n’y eut qu’attendrissement et pitié ; et ce fut un touchant spectacle que de voir tous ces visages empreints d’une commune douleur au milieu de cette salle parée de luxe et d’élégance. Gina s’avança à pas lents, les bras maigres, les yeux éteints et les joues caves, mais plus belle que jamais de la beauté qu’elle avait perdue, belle de ses longues souffrances, de son long veuvage de gloire, belle comme la jeune épouse qui sort de ses habits de deuil, pâle et les yeux brûlés de larmes. Mais lorsqu’elle fut arrivée sur le bord de la scène et que, simple et naïve, elle se fut inclinée, alors, comme la bombe tombant avec fracas sur les pavés d’une ville endormie, la foule éclata tout à coup. La clarté des lumières vacilla au bruit des longs cris d’enthousiasme ; les fleurs pleuvaient, les loges étincelaient de pierreries, les écharpes blanches et roses s’agitaient dans l’air embaumé.
Page:Sandeau - Houssaye - Les Revenants.djvu/38
Apparence