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le camp de mayence

heures et demie, dans la cour, les prisonniers se rassemblèrent par bâtiment et se groupèrent par chambre. Un sous-officier passa, nous compta pendant que nous continuions à bavarder, vérifia le nombre sur un cahier qu’il tenait à la main, et s’occupa d’un autre groupe. L’opération n’avait rien d’imposant, ni de strict, ni même de militaire. Les prisonniers causaient, riaient, plaisantaient, fumaient. Mais la cérémonie n’était pas terminée. Soudain, quelqu’un poussa cet avertissement :

— Vingt-deux à bâbord !

On rectifia la position. Les plaisanteries se turent. Les cigarettes se dissimulèrent le long de la cuisse. Les têtes étaient droites. Par la gauche, en effet, un haùptmann, sabre au côté, défilait rapidement devant chaque groupe, portait les doigts à la casquette en nous regardant tandis que nous le regardions en portant les doigts au képi, et disparaissait vers la droite. Tel un général, un jour de revue, galope devant le front des troupes. Les conversations reprirent. C’était fini. Les prisonniers se dispersèrent.

Mais un nouveau rassemblement se formait, plus familier, autour de l’officier boche qui s’était planté sur un tertre, au pied d’un arbre. Un feldwebel' lut un ordre de la kommandantur, en allemand. Je n’entendis pas grand’chose, parce que tous chuchotaient, ou à peu près. Un lieutenant belge se mit à nous traduire le papier officiel. Déjà un camarade m’entraînait et la plupart des prisonniers s’en allaient.

— Qu’a-t-il dit ? demandai-je.

— Je ne sais pas, me répondit-on.

Visiblement, les ordres de la kommandantur n’intéressaient personne.