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le purgatoire

— Nous ne savons plus qu’en faire, tellement nous en avons.

— Oui, oui, approuva la sentinelle.

— Et nous le donnons aux vaches, conclut l’Anglais en offrant le quignon merveilleux à la bête la plus voisine.

Nos alliés sont terribles. On racontait d’un autre lieutenant une anecdote qui révèle exactement la façon dont les Anglais se comportent en face des autorités allemandes. Le gouvernement de Berlin oblige les officiers prisonniers à saluer les officiers allemands, sans égard aux grades de ceux-ci ou de ceux-là. Les Français esquivent la difficulté en exécutant un demi-tour par principe chaque fois qu’ils s’aperçoivent qu’ils vont croiser un leùtnant ou un haùptmann. Les Anglais agissent plus franchement. Ils affectent d’ignorer leurs gardiens. Un jour, celui dont je parle se trouva nez à nez avec un Boche.

— Monsieur ! fit l’Allemand.

— Monsieur ?

— Vous ne m’avez pas salué.

— Je ne sais pas.

— Je suis officier.

— Je ne connais pas.

— Vous devez me saluer.

— Je ne sais pas.

L’Allemand était blême.

— Vous serez puni.

— Je ne sais pas, répondit l’Anglais. Il fut puni, en effet.

Or, quand il sortit de la chambre des arrêts de rigueur, après sept jours d’isolement, il rencontra