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le purgatoire

seront traités comme de simples soldats prisonniers. Je les logerai au milieu d’eux, dans les mêmes baraques. Ils seront astreints aux mêmes corvées. Je leur supprime toute la correspondance. Ils n’écriront plus, et ne recevront plus ni lettres, ni colis de victuailles. J’ai dit.

Trois jours plus tard, l’Allemagne renonçait à ses tracasseries et les représailles des Russes furent levées.

Pourquoi la France montrait-elle moins de fermeté que la Russie ? Point d’interrogation que nous nous posions souvent. À l’heure actuelle, au moment où je mets de l’ordre dans mes souvenirs de captivité, le problème me semble simplifié. Ces effroyables affaires de trahison, qui ont marqué chez nous l’issue de la lutte, nous donnent la clef du mystère. Tant que l’Action Française a prêché dans le vide, tant que ce magnifique vieillard de Clemenceau qui lui, seul de toute la politicaille, s’est rajeuni quand la France entière se rajeunissait, ne s’est pas dressé pour réagir, la guerre ne finissait pas. Août 1917 est une date historique, comme septembre 1914. La Marne et Clemenceau ont sauvé la France et gagné la victoire. De l’une à l’autre de ces deux dates, la France a pataugé. On sait désormais pourquoi. Mais, en 1916, au plus beau du gâchis, nous ignorions, nous prisonniers en Allemagne, pourquoi nous étions des pantins entre les mains des hommes du kaiser. Peu importe, d’ailleurs, que le capitaine Bouchardon ait étudié ou non les agissements criminels de tant de jolis personnages par rapport aux prisonniers français. Notre conviction a trouvé enfin les coupables qui nous valurent un supplément de misère, et leur châtiment a balayé nos peines.