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le régime des représailles

des alliés était sérieuse. Hélas ! nos espoirs s’effondrèrent. Le 9 août, on arrêta les promenades. Le 27, on nous signifia qu’à l’avenir nous ne pourrions plus sortir dans la cour après six heures du soir, comme à Saint-Angeau. Les Boches reprenaient du poil de la bête. L’offensive ne les inquiétait plus. Enfin, le 14 septembre, ils étalèrent de nouveau toute leur sereine cruauté, en nous infligeant la mesure la plus barbare de toutes : suppression totale des soins du dentiste, même dans les cas graves. L’ordre du ministre, en date du 5 septembre, disait textuellement : « Selbst in schweren Fällen ». Après cela, on n’a plus qu’à tirer l’échelle.

Disons vrai : il y eut des représailles plus sombres que celles du camp de Vöhrenbach. Néanmoins, celles que j’ai essayé de décrire ici suffirent pour ébranler le système nerveux de plus d’un prisonnier. On ne vit pas impunément avec l’esprit toujours tendu contre un ennemi sournois qu’on veut dérouter et humilier. Tant que les mauvais jours durent, on se tient droit, on subit le choc, on fait tête, on riposte.

Mais ensuite, quand la fièvre tombe, quand le calme renaît, quel écroulement sinistre ! Des officiers y ont perdu la raison. D’autres y ont gagné des neurasthénies incurables. Tous y ont laissé un peu de leur force. Si c’est ce que l’Allemagne désirait, elle est arrivée à ses fins. Mais espérait-elle autant de succès, quand ceux de Vöhrenbach lui jetaient au nez leur :

Comme à Saint-Angeau !
Comme à Saint-Angeau !