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la vie quotidienne

de la taille d’un mouchoir de poche, et, pour passer à un autre genre d’exercice, il accrochait au mur son métier rectangulaire ou octogonal qui ne servirait plus. D’autres soucis l’appelaient. Généralement, il se tournait soit vers le Tarso, soit vers le Kerbschnitt.

Le Kerbschnitt, c’est la sculpture par entailles. On prend une planche de noyer d’Amérique, qui est une matière tendre, on y trace des dessins géométriques, et, avec un canif spécial, on creuse le bois. On obtient ainsi des panneaux qui rappellent certaines armoires bretonnes ou des bahuts basques. Une importante maison allemande alimentait la kantine en objets bruts, mais ornés de dessins tout prêts, que l’artisan n’avait plus qu’à sculpter : coffrets de toutes les tailles et de toutes les formes, petits bancs, ronds de serviettes, nécessaires de bureau, cadres à portraits, portemanteaux, tabourets, et jusqu’à des fauteuils et des tables. La kantine procurait tout ce qu’on désirait.

Le tarso est plus délicat, sans exiger un apprentissage extraordinaire. On prend une planche de noyer d’Amérique ; on y trace un dessin quelconque : fleurs, fruits, guirlandes, paysages ; avec un couteau à lame minuscule, on marque une incision profonde le long de toutes les lignes du dessin ; ensuite, soit avec des liquides particuliers, soit avec des couleurs à l’eau, on peint le motif à volonté ; enfin, quand la peinture est sèche, on vernit la planche avec du vernis-tampon, à la manière des ébénistes. Il faut des jours, et des semaines quelquefois, pour que le résultat soit satisfaisant. Mais alors le succès récompense l’ouvrier ; le vernis s’est étalé merveilleusement, il a comblé les incisions marquées par le couteau, et le panneau