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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/48

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le purgatoire

abriter des troupes au cantonnement. À tous les carrefours, de gigantesques inscriptions sur bois indiquent, par un mot et une flèche, les directions à prendre. Et nous sortons de Mangiennes sans tâtonner.

De Mangiennes à Pillon, nous mîmes certes plus de temps que je n’en mettrai à le rapporter. C’est la même marche, dans le même paysage, avec la même fatigue, sur une route identique, peut-être un peu moins mauvaise, bien qu’elle soit très mauvaise encore. À chaque halte, il nous apparaît que nous sommes au bout de nos forces, et nous continuons néanmoins jusqu’à la halte suivante, où nous nous apercevons que nous sommes encore plus brisés qu’à la précédente, ce que nous aurions cru impossible. Somnambules que nous sommes, nous n’avons plus la ressource de penser. Nous allons, groupe muet, éclopé, fourbu, glacé, à côté d’un cuirassier prussien qui ne dit plus rien, lui non plus, tant il est épuisé de marcher à pied dans la neige glissante, en soutenant son cheval qui le gêne plus qu’il ne l’aide.

Si nous avons trouvé facilement notre route à travers Mangiennes, la chose est moins aisée à Pillon, car il n’y a ici aucun de ces gigantesques écriteaux, qui étaient si nombreux là-bas. Je tire de nouveau ma carte et montre au cuirassier le chemin qu’il doit suivre. Il regarde ce que je lui indique, mais il ne se décide pas. Il n’a sans doute pas confiance en nous. Il frappe à la porte d’une maison qui semble être une ambulance. Vainement. Personne ne répond. Tenant toujours son cheval par la bride, il va de porte en porte, sans succès. Il trouve enfin une espèce de ferme, disparaît, revient, attache sa monture dehors, et nous fait entrer