après l’autre du doigt, pour éviter une erreur ; puis on nous compte de nouveau pour plus de sûreté ; et, afin de contrôler les résultats des deux premières opérations, on nous compte une troisième fois : c’est très compliqué de compter jusqu’à dix, et on ne pourrait pas se tirer de ce travail délicat, sans employer une bonne méthode, bien allemande. Après quoi, on nous entoure de soldats en armes et on nous emmène vers la gare, qui est toute proche.
Nous longeons une voie de garage en remblai, où stationne un train. Dans les vagons à bestiaux, dont les portes sont fermées, sont déjà entassés des sous-officiers et des troupiers français.
Le long de la voie, des hommes travaillent, gardés par des sentinelles. Ils sont coiffés d’une casquette plate, grise, et portent une veste noire qui se boutonne sur le côté. Des bandes rouges sont peintes sur leurs manches et du haut en bas de leur pantalon. Quand nous passons près d’eux, ils nous sourient doucement, comme à des compagnons d’infortune, et ils nous disent :
— Rousski, Rousski, camarades !
Ce sont des prisonniers russes.
Aux fenêtres des maisons voisines, il y a des femmes et des jeunes filles. Elles nous font des signes de la main et agitent des mouchoirs. Mais on les oblige à se retirer.
Devant le train, en effet, circule, plein d’importance, le vieux major apoplectique qui, hier, a donné au capitaine V*** un si grossier démenti. Avec des vociférations ridicules, il nous exhorte à monter dans les vagons devant lesquels on nous a arrêtés. Nou-