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Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/129

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comment devenir une jolie laide.

de bonne foi, rendaient hommage à la nature des grâces dont leur idole était comblée. Sa laideur la rend fière autant qu’à d’autres la perfection de leur visage, et elle s’en vante à grand fracas avec des exclamations enthousiastes ! Ce n’est assurément pas elle qui s’aviserait de penser que la laideur est une douleur qu’on conserve toute sa vie.

« Je n’ai souffert qu’à un moment, confesse cette curieuse personne, c’est à l’époque où je m’entêtais à être jolie.

» Je chantais à la Cigale et j’étais malheureuse. Chaque soir, je m’efforçais, par tous les moyens, de me rendre aussi belle que mes camarades. J’ondulais mes cheveux, je poudrais ma figure. Les quelques sous que je gagnais passaient en toilette, et chacun me tournait en ridicule.

» — Tu es plate comme une crêpe, et tes hanches sont larges comme un baril ! »

Ces quolibets lui arrachaient l’âme.

Un beau jour, elle eut un trait de génie. Se souvenant, apparemment, de cette pensée de Nicole : « La laideur et la beauté dépendent du caprice et de l’image des hommes », elle s’écria :

— Laide je suis, laide je resterai !