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pharmacien et jeune fille pauvre.

Ne croyez point qu’elle cherchât à s’éclairer sur la moralité du fiancé qui s’offrait à elle par les soins de la cousine, ni qu’elle réservât son jugement jusqu’à plus ample connaissance, ni qu’elle s’inquiétât de l’avenir du vieux père : non, non. Bagatelles que tout cela ! Cette fille de juge de paix retraité, sans fortune, avait des conceptions plus hautes de sa dignité, et voici les mots qu’elle laissa tomber de ses lèvres olympiennes :

« Ce n’est pas une raison, ma cousine, parce que je suis pauvre, pour « déchoir ». Jamais je n’épouserai un pharmacien : ce n’est pas un homme de « mon monde », et d’ailleurs, je suis résolue à ne prendre pour mari qu’un officier. »

La foudre tombant sur la tête de la pauvre cousine, un jour de ciel pur, lui eût paru moins étrange que les paroles de Mlle Juliette ; elle comprit alors pourquoi tant de jolies filles coiffaient Sainte Catherine, sans qu’il en soit la faute des hommes de bon vouloir… Le greffe ne fraye point avec la pharmacie et veut des maris de qualité.

Si je ne craignais d’encourir le mépris d’une personne aussi distinguée que Mlle Juliette, je lui dirais que je m’honore de l’amitié d’un être appartenant à l’espèce qu’elle dédaigne.

Seulement, ce pharmacien-là, plus heureux que l’autre, trouva sur sa route une jeune fille