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la femme.

…et c’est à ce point précis, cousine, que commence le petit drame.

L’heureux époux avait débuté plus que modestement dans la carrière coloniale. Ne disposant point des capitaux nécessaires, il s’était contenté d’une vulgaire place de gérant. Mais l’immense plantation agricole et vinicole qui fut confiée à sa surveillance prospéra si bien entre ses mains que le propriétaire, ravi, lui réserva une part dans les bénéfices. Notre centralien s’employa d’autant mieux à en augmenter le rendement : il inventa des procédés nouveaux, améliora sans cesse, et fit tant de prodiges qu’ayant débuté aux appointements fixes de trois mille francs, il se trouva en gagner, un peu plus de trente mille. Il avait récolté, en sus, l’affection et la reconnaissance de son propriétaire, — riche Parisien qu’on ne voyait jamais. La « société » de cette grande ville — car il y a une société dans les centres coloniaux comme dans les chefs-lieux de province, — composée d’une baronne, d’une douzaine de riches propriétaires mariés et d’un général en retraite vivant avec sa fille, la société, dis-je, avait daigné admettre en son sein notre héros. C’était là une faveur insigne, incroyable, merveilleuse, les gérants étant gens de peu, paraît-il, et, pour l’ordinaire, assez mal considérés.